
On était fin septembre 1980 et j’avais un gros mal de tête. La météo était parfaite ce jour-là et le pilier baignait dans les premiers rayons du soleil. Dans cette atmosphère pure, il semblait net, proche et attirant.
Ma vieille coccinelle grise avait réussi à monter je ne sais comment, jusqu’à ce que ses roues décident de nous abandonner. Mauro paraissait en forme. Quant à moi, j’avais rendu un peu du dîner de la veille sur la vire au départ de la voie. C’est là que l’aventure commença...
Un an auparavant, nous ne connaissions rien à l’escalade et nous nous trouvions là, au Pilastro della Tofana ! De la 6 avec des surplombs jaunes... le rêve ! J’escaladais rapidement et derrière moi, Mauro et ses biceps saillants me suivaient. Tout s’était bien passé jusqu’au moment où nous nous sommes retrouvés sous "l’Echine du mulet", fiers comme des papes. Le jour suivant, beaucoup moins fiers car frigorifiés, nous avons dû descendre au Rifugio Giussani quémander un bol de soupe. La montagne nous avait une fois de plus donné une leçon. Je me rappelerai toujours de cette nuit passée en t-shirt sur cette vire, complètement gelés. Aujourd’hui, le pilier représente toujours un défi pour nous. On le pratique en escalade libre, ce qui nous prend plusieurs heures, et on escalade aussi la partie grise seule lors de fins d’après-midis chaudes du mois d’août. La voie n’a pas changé, quoique dans le temps on trouvait plus de points d’ancrage. Y en a-t-il moins ou est-ce nous qui avons changé ?
MANRICO DELL'AGNOLA





